Cet article est aussi paru dans La Presse http://www.lapresse.ca/debats/votre-opinion/201310/08/01-4697826-une-culture-macho.php et dans le Soleil

Étrange sortie unanime des 3 anciens Premiers ministres. La lecture du sous-texte nous amène à y décoder une menace de la part de ceux pour qui la religion représente encore un immense pouvoir d’attraction. Pourquoi se mêler du débat avec un tel poids pour une question qui a déjà été réglée par le peuple québécois ?

Les 3 voix québécoises qui sortent du silence avec tant de fracas ne sont pas là pour protéger les droits des femmes musulmanes au travail, mais bien le droit des hommes à garder leur privilège : nos Anciens ministres semblent plutôt protéger le port de la kippa. Il serait illusoire de croire que ces sages, dont l’identité fut construite par des Jésuites, comprennent l’importance d’intégrer les femmes sans leur voile au point de priver les juifs de leur kippa. Les femmes n’ont historiquement pas de valeur. M. Parizeau, Bouchard et Landry se porteraient à la défense des femmes en une rare sortie ? L’émancipation des femmes ne passe pas par le voile au travail mais par le dévoilement de la femme. L’émancipation est d’abord sexuelle, mais pourquoi demander à d’anciens Jésuites de saisir cette réalité ?

Voyons plutôt dans leur sortie de groupe un force de frappe solide se portant à la défense de la chasse-gardée des hommes. De tout temps, on a sacrifié les femmes pour éviter qu’elles se croient bienvenue dans le club des boys. Malgré que l’homme raffine son discours pour ne pas être accusé de sexisme, les CA montrent encore à quel point l’homme ne veut pas céder son pouvoir financier et pour ce faire, il a tout intérêt à ralentir l’émancipation de la femme. Nos vieux sages n’en sont pas conscients (?), ils obéissent à leur culture bien ancrée de macho. Si le PQ cède à leur voix, il exprimera que les hommes, dans ce jeu subtil de protéger la kippa, imposent au cœur de notre société libre, un sérieux recul de la place de la femme et que les hommes en général refusent de céder leur mainmise sur les cordons de la bourse.

Voilà le vrai pouvoir d’attraction. C’est toujours l’homme qui gagne à ce jeu. La guerre des symboles fera l’homme gagnant et il aura encore réussi à écarter la femme du pouvoir financier. Symbole homme contre symbole femme. De toute manière, il est lié à l’impression que se soumettre à Dieu nous rend plus vertueux, ce qui nous permet de se croire au-dessus des autres. Ce faisant nous déclarons que nous méritons plus que les autres. Sur cette prémisse de base nombreux utilisent leur religion sans trop s’en apercevoir pour émuler leur sentiment de puissance personnelle et leur crédibilité face aux autres. Il s’agit pour eux d’exhiber leur vertu ou leur allégeance religieuse comme le ticket de passage affiché d’une supériorité morale qui leur permettrait de gravir les échelons plus vite, un genre de raccourci qui permet d’imposer ses vues aux autres, entre autres à qui appartient la richesse et qui décide ce qu’on en fait. C’est ce qui irrite.

Les signes ostentatoires ne sont pas innocents. Ils sont en quelque sorte une déclaration de guerre, au cœur de la communauté et entre les communautés disparates. Mais aussi, une déclaration de guerre de l’homme face à la femme. Le pouvoir d’attraction de la vertu religieuse est hypocritement lié au pouvoir de dépenser. D’où l’instinct de l’homme à protéger l’homme, dont l’historique croyance le donne supérieur à la femme.

L’unanimité sur la modération devant les signes ostentatoires est parlante : nos trois anciens premiers ministres ne comprennent pas ou ne veulent pas comprendre parce que ça les arrange, l’importance de libérer notre société de toutes les religions pour libérer la femme. La croyance de chacun ne les rend pas supérieur ni meilleur ; c’est notre implication citoyenne, le désir du vivre-ensemble qui fait de nous des humains bienveillants et solidaires. L’ADN québécois est marqué par la recherche de l’égalité homme-femme, en dépit d’un lourd passé religieux ou grâce à lui. Les Dieux ont toujours divisés les communautés. Nos couleurs spirituelles, bien que fondamentales à l’individu, n’ont pas leur place sur l’agora et donc encore moins dans nos écoles et autres institutions marquantes pour la construction de l’identité collective.

Le PQ doit s’affirmer en faveur d’une hiérarchisation des valeurs dont la première est l’humain et non Dieu. Ce serait un premier pas vers une constitution marquant l’émancipation de l’homme et de la femme sur Dieu. L’humanité repose sur la force d’équilibre entre les hommes et les femmes. L’amour humain émane de cet accord. La kippa impose une supériorité de l’homme sur la femme, le voile brime l’émancipation de la femme. Mis l’un en face de l’autre, ils crient à l’injustice faite aux femmes. Vous croyez vraiment, sincèrement, profondément, que Dieu, s’il en est un, a fait la femme l’âne de l’homme pour porter son fardeau existentiel ?

Si le pouvoir d’attraction des signes ostentatoires pour le fervent fidèle est devenu culturel, c’est dire à quel point un artifice fait corps avec sa chair. Un être profondément lié à son esprit ou à Dieu n’a pas besoin de le tatouer sur sa peau, son âme porte cette lumière. C’est là que les Québécois sont rendus en tant que nation. Le signe ostentatoire exprime un doute, un manque de force face à ses convictions intérieure, un désir de faire l’étalage de sa vertu, l’idée que l’homme vaut plus que la femme. Le signe ostentatoire reflète l’immaturité des croyants face à une foi qui tend plutôt à créer la compétition entre fidèles et à mépriser parfois subtilement ceux qui ne pensent pas comme eux, les impurs. Au contraire de cela, les Québécois constituent globalement un peuple mature qui a décidé de parler de sa lumière en silence.

Nous avions parachevé notre processus de laïcisation en tant que société. Il est normal de chercher à recommencer à le faire à un moment où l’immigration rempli le vide que nous avions laissé et que nous voulions garder. Notre place publique se veut immaculée d’un silence unificateur qui appelle la spiritualité dans le cœur de chacun, de manière subtile, puisque tel est la manifestation de l’esprit. Il ne fait pas de bruit, pour qu’ainsi, dans l’antre de notre silence public, la lumière soit sur tous.