Jusqu’au 13 avril, vous pouvez visionner Femmes contre Daesh. Il s’agit d’un documentaire empreint à la fois d’un réalisme pragmatique et d’une certaine poésie évoquant le chemin de la guerre que suivent des combattantes kurdes. Se dégage de ce récit un amour pour la liberté qui donne à la guerre un visage plus humain, ce qui est à la fois troublant et apaisant. On dit que les amazones kurdes sèment la terreur depuis toujours et qu’elles font peur aux combattants de l’organisation État islamique (EI) car elles ne lâchent jamais.

Des jeunes femmes partent au combat soit en secret pour ne pas affoler leur mère, soit parce que leur famille les soutiennent, espérant à travers elles parvenir à la démocratie. Mais la plupart du temps, ces amazones y trouvent un voie directe vers l’émancipation : aller au combat leur permet de ne plus subir le fardeau du mariage, de l’enfantement, d’un quotidien fait de mêmes gestes qui aliènent le devenir des femmes à la seule vie familiale.

«Je suis très fière de ma liberté et j’encourage d’autres filles à suivre le même chemin», dit l’une d’elles.

Il faut les voir au quotidien se lisser les cheveux entre elles, recevoir leurs sœurs civiles à manger à table avec leurs enfants. Les soldates sont admirées. L’une d’elles demande à une enfant si elle vêtira les habits du combat quand elle aura 15 ans. Ce discours pourrait écorcher les tenants des droits de la personne, mais il est motivé par un tel désir de liberté : libérer la femme, libérer la patrie, même combat.

Justement, ce qui distingue les femmes des hommes dans cette guerre, c’est cette soif de liberté, de vivre pour soi, de s’épanouir en ne pensant qu’à sa peau, comme un homme le fait tout le temps.

C’est l’appel à cette liberté qui donne un sens au combat qu’elles mènent. En cela, le documentaire évacue l’aspect morbide de la guerre comme un appel à la vie, à travers ces battantes. Non pas que ce combat contre les «fous de dieu» soit idéal comme seule voie d’émancipation, mais entre la liberté et la famille, leur choix est clair : mourir pour sa liberté et peut-être celle du peuple.

Les jeunes femmes au camp n’ont pas le droit d’avoir d’enfant et ne s’en plaignent surtout pas. «Pour la guérilla, un combattant ne meurt pas. Il devient un héros… À Kobané, ils sont un symbole de victoire».

C’est une ancienne professeure d’éducation physique qui forme les jeunes femmes à l’entraînement. Elles apprennent aussi à lire, la plupart étant analphabètes. Le camp agit ainsi à la manière d’un couvent militaire. Les jeunes femmes n’ont pas le droit d’être en relation amoureuse mais on leur assure un minimum d’instruction, et il faut les voir sur le terrain à la recherche des meilleures stratégies pour attraper l’ennemi.

Vina explique comment elle est devenue sniper jusqu’à ce qu’une balle au bras la prive d’évoluer comme tireuse d’élite. Mais elle ne retournera pas à la maison, car elle est promise à une carrière de commandante.

Dans ce documentaire, pas une goutte de sang ni d’images de corps en déflagration. On ne met pas l’emphase sur le résultat de la puissance guerrière présentant les habituels clichés de violence dont le sensationnalisme nous interpelle de moins en moins. À la place de corps explosés, la chaussure trouée d’une balle d’un combattant de l’État islamique et le savoureux dialogue des hommes à propos de la présence des femmes sur le terrain.

La simplicité avec laquelle chacun s’exprime élève la dignité humaine dans ce contexte de cruauté pathologique, issue des dictatures de toute forme.

«Les femmes sont plus courageuses que les hommes», dit l’un d’eux. Pourtant, la fierté des femmes se vit non pas à travers leurs exploits, mais par le fait d’atteindre une liberté inespérée à travers leur fonction, aux côtés des hommes.

Les rebelles syriens venus prêter main forte aux Kurdes expliquent leur malaise à recevoir des ordres d’une femme. Il est vrai que les Kurdes vivent dans une société plus égalitaire. Tous s’entendent pour dire que «aux commandes, les amazones kurdes martyres n’abandonnent jamais leurs blessés sur un champ de bataille, ni n’oublient ceux qui y ont laissé leur vie».

Si l’esprit patriarcal des hommes en prend pour son rhume, la nécessité du combat qui rallie les deux sexes fait place à l’humilité. Un homme raconte : «J’ai été blessé des dizaines de fois. J’ai combattu avec les femmes kurdes. Par 3 fois, elles m’ont soigné. Jamais les hommes n’avaient fait ça.»

L’amour, le courage, la détermination et la paix du cœur face à leurs choix soutiennent leur motivation à mener cette guerre. Ces amazones résistent à l’interdit religieux imposé par l’État islamique qui réduit la femme à l’esclavage. Elles le font pour assurer un futur aux petites filles et sont prêtes à se faire exploser plutôt que d’être prisonnière de l’ÉI. Pour la liberté !