Lorsque j’ai commencé à écrire, j’ai d’abord voilé un certain contenu. J’estimais avec raison que les gens ne pouvaient pas comprendre la fréquence d’esprit qui se révèle dans mes livres. En effet, le cerveau ne capte pas les signaux subtils de l’esprit, il ne peut qu’en catégoriser les impressions…

Ce n’était pas tant pour être mieux comprise que je censurais mes propos, mais par crainte d’être ostracisée, marginalisée. Notre survie dépend de notre réputation et nous sommes tous prompts à juger à partir de nos propres limitations. Écrire à propos de la conscience humaine, de la vibration de nos esprits, de cette part de nous que le cerveau est incapable de capter fait nécessairement courir le risque de passer pour étrange, fêlé, hurluberlu, charlatan. Pourtant…

Parler, c’est risqué

La liberté d’expression n’est pas le fait du lecteur, mais de celui qui désire prendre la parole. Pourquoi veut-on parler? Pour s’assumer.

Nécessairement, chaque fois que vous parlez, vous créez un impact sur les autres, une impression. Vous serez jugé selon que cette impression est bonne ou mauvaise, conforme ou non au discours que l’autre veut entendre.

Au Québec, les gens ont beaucoup de difficulté à parler parce qu’ils sont mus par le désir d’une pensée unique. Nous croyons à tort que penser la même chose nous rend plus solidaires. Mais les consensus sont-ils réellement sincères?

Pourquoi nous rallions-nous à la pensée d’autres personnes? Craignons-nous d’être exclus si nous pensons différemment? L’intellect est-il la seule manière pour les humains de s’entendre, de trouver des points de convergence?

On entend partout les gens se dire: sois toi-même! Et le jour où l’on tente de le faire, ces mêmes personnes jugent, condamnent, musèlent tout ce qui leur parait bizarre.

Les réseaux sociaux foisonnent de préjugés incongrus. Mais comment donc pouvons-nous savoir qui nous sommes, lorsque nous ne parlons jamais à partir de notre «moi profond»?

J’ai commencé à écrire pour assumer ce qui sortait de moi. Et comment s’accepter tel que l’on est, si nous fantasmons toujours ce que nous voudrions être? J’aurais aimé écrire des livres comme John Le Carré. Mais ce n’est pas cette forme qui sort de moi.

J’ai dû composer avec un autre talent, celui de définir les structures de la conscience humaine. Je suis un genre d’ingénieur des infrastructures psychiques. Jamais je n’aurais choisi ce talent.

En effet, étant issue de l’université et du siècle des Lumières, il est périlleux dans ces milieux de parler des profondeurs humaines, de ses subtilités. Mais c’est cette faculté, dont j’ai hérité. Si je n’avais jamais écrit sur le sujet, je n’aurais jamais eu conscience de ce que je savais, intrinsèquement.

Aujourd’hui, je suis ravie d’avoir assumé de parler de ce qui sort de moi, car, moi, j’avais besoin de le savoir! Bien sûr, j’ai ensuite cherché à vérifier si cette aventure d’infrastructures, évidente pour moi, pouvait être applicable pour d’autres. Je suis passée de la parole aux actes: j’ai commencé à faire du coaching. Ça fait plus de 20 ans que je constate que nous sommes en effet tous construits de la même manière.

S’assumer

Parler de soi réellement, c’est d’abord apprendre à se dégager de ce qui nous a construit, se «déculturer». C’est le plus grand risque qui soit. Ce haut niveau de liberté se vit souvent d’abord comme une aliénation. L’impression d’être un imposteur, de ne pas être à la hauteur pose la question de notre raison d’être. Qui suis-je pour prendre la parole? Qu’ai-je à dire qui n’a pas déjà été dit? Que puis-je apporter? Va-t-on me lyncher? Toutes ces questions sont les résidus du conditionnement de notre culture humaine où les personnes les plus populaires sont généralement supportées par le système et non par leur propre force.

Pour prendre la parole en tant que «soi», il faut assumer que certaines personnes s’opposent à vous, assumer qu’on vous ridiculise, qu’on déforme vos propos, qu’on vous accuse de mensonge, et quoi encore. Toute autre personne peut vous salir sciemment, vouloir vous faire taire. C’est pourquoi il est si important de contenir la force de son être pour porter le poids de sa parole. Et il est crucial d’apprendre à maitriser les concepts du langage pour converser, discuter ou débattre avec les autres.

Parler, c’est assumer qui on est, c’est chercher sa force individuelle, s’appuyer sur soi et non sur les autres. Parler de soi pour ces raisons est donc vital à notre flux d’énergie. Et ce mouvement est responsable de renouveler notre joie de vivre, de notre raison d’exister en tant que telle. Elle nous garde jeune d’esprit.

Nul besoin d’avoir un titre pour avoir le droit à l’existence, donc pour prendre la parole. Mais c’est bien ce que le système parvient à nous faire croire. Construit sur les pouvoirs financiers, ce système est une plateforme anxiogène dont l’illusion est proportionnelle à l’aveuglement volontaire. Tous s’accordent pour donner le pouvoir de parler, d’influencer à ceux qui possèdent l’argent. On n’écoute pas la parole d’un infortuné. C’est pour cette raison que nous sommes aujourd’hui confinés à une pensée unique et que la conscience visionnaire, qui ferait la grandeur de l’humanité, est reléguée au sous-sol.

Un Québec visionnaire

Lorsque j’ai commencé à bloguer, j’ai lâché prise sur le contenu parce que j’étais consciente de la raison d’être réelle de la parole. Lorsque nous pénétrons dans les structures profondes de notre conscience, parler est une mise en résonance avec la psyché de sorte que l’intention puisse se révéler telle quelle et se mettre en action. Parler est donc la manière de libérer nos énergies les plus profondes, dans une direction et d’annoncer notre pouvoir de passer à l’action. À contrario, ne pas parler de soi, c’est mourir un peu. C’est ne pas exister.

Je crois que le Québec deviendra souverain le jour où les Québécois de toutes les origines se permettront de parler à partir de leur être plutôt qu’en fonction de leur culture. C’est pourquoi le multiculturalisme – mis en place par les pouvoirs financiers – est si valorisé. Du coup, il dilapide la liberté d’expression individuelle et conserve la société dans un état d’anxiété qui ne sert que l’élite.

Il faut beaucoup de sensibilité pour entendre le cœur de l’être, sans sa culture. Et le Québec en est doté. Tant et si bien qu’il se sent trop souvent heurté par cette sensibilité au lieu de s’en servir comme d’une puissante antenne de communication. Oser être différent est difficile pour un individu. Imaginez pour 8 millions d’êtres constituants une société distincte. Il est temps que nous sortions notre sensibilité du sentiment de victime et que nous y voyions en nous, la force d’une conscience visionnaire et articulée capable de tous les revirements.