D’un côté Philippe Couillard réaffirme la défense du français et du même souffle il exprime la nécessité mur à mur du bilinguisme, comme s’il était normal de ne plus vivre qu’en français au Québec. Pourtant, des anglophones qui n’ont jamais appris le français réussissent très bien leur vie unilingue dans la Belle province qui ne leur impose pas de parler la langue de Molière, malgré la menace persistante d’anglicisation.

Personne n’est contre le multilinguisme, mais on peut questionner la vision anglophile du chef libéral, de surcroit prêt à sacrifier l’identité francophone sur l’autel de la sacro-sainte réussite économique. Au lieu d’inciter les immigrants à s’intégrer en leur parlant de qui nous sommes, on encourage le citoyen à l’opportunisme : les libéraux estiment que le tissu social porté par l’identité est une étoffe qui coûte trop cher. Pourtant, c’est grâce à ce tissu social fort que le « nous » peut se tenir ensemble ; lorsque le tout est cohérent – et non à la carte – il donne un sens à la nation. C’est ce sens social qui fait que nous acceptons de payer des impôts pour le bien commun. Au contraire, le néolibéralisme engendre des citoyens frustrés de travailler pour les autres. Ainsi on brise des nations.

Le Parti libéral n’en a cure des racines de l’identité nationale, alors s’effrite le sens du vivre ensemble. À force de favoriser l’anglais, les libéraux ne font rien pour tenir ensemble le tissu social dont la force dépend de la majorité francophone. Et la majorité a de plus en plus de mal à se battre contre les tentacules souterraines déployées par ses propres citoyens députés qui s’emploient à déchirer cette fibre nationale pour un vote, par ignorance, conditionnement ou manque de volonté.

Favoristisme à l’endroit d’une communauté anglophone de Laval

Francine Charbonneau fut députée libérale à Laval. Elle se présente aujourd’hui dans Mille-Îles contre Djemila Benhabib. Madame Charbonneau fut précédemment présidente de la Commission scolaire de Laval. En 2004, des parents se sont inquiétés du fait qu’on voulait fermer l’une des deux écoles primaires francophones du quartier : l’école Notre-Dame.

La Ville a présenté aux citoyens des statistiques démontrant la possibilité d’une baisse démographique justifiant la fermeture de cette école. Les parents se sont empressés de démontrer que le pouvoir d’attraction de St-Vincent de Paul allait plutôt inciter les familles à venir s’installer dans le quartier pourvu qu’on conserve justement cette école.

La Ville a fait la même erreur que dans le quartier Ahuntsic en éliminant une école sans tenir compte d’éléments autres que la décroissance de la population. Plusieurs changements prévisibles amenaient au constat qu’il y aurait au contraire accroissement de la population : le prolongement de l’autoroute 25, la réduction de la taxe de bienvenue. Les parents ont présenté un autre argument à l’avantage de la conservation de l’école : il n’y a plus de terrains pour bâtir d’autres écoles dans St-Vincent de Paul, si la population devait s’accroitre comme on pouvait le prévoir. Les parents considéraient que la présence de ces écoles primaires constituait justement le pouvoir d’attraction pour l’arrivée de nouvelles familles qui régénéreraient le quartier. Il s’agissait de promouvoir les incitatifs et d’attendre un peu.

En 2006, on fait fi des études des parents et la Ville passe à l’action sans pousser la réflexion. « Attendu que l’immeuble Notre-Dame est considéré excédentaire au 1er juillet 2006… Attendu que l’intérêt manifesté pour cet immeuble par la Commission Sir Wilfrid-Laurier… Attendu la demande du MELS de céder cet immeuble à la Commission Sir W-L pour la somme de 1$… »: le conseil des commissaires, dont madame Francine Charbonneau faisait partie, a voté pour céder l’école à la commission anglophone. Étrangement, personne à la Ville n’a plus relevé le problème de décroissance démographique, raison de la fermeture de l’école.

Des parents ont contesté le transfert d’école de leurs enfants. Au même moment, « attendu les besoins en investissement » de l’école Notre-Dame, celle-ci fut rénovée avant d’être cédée à la communauté anglo-italienne. Il ne restait qu’une seule école pour les francophones – non rénovée elle – où les enfants furent entassés, ce qui n’encourage pas la revitalisation de la population francophone dans ce secteur (de la même manière, on a décidé d’éliminer le seul hôpital francophone de l’ouest de Montréal – voir ici). Nos élites sont-elles littéralement conditionnées à favoriser le pouvoir anglais au point de ne pas s’en apercevoir ? En tout cas, elles contribuent à décourager le renouvellement de la population francophone à l’avantage d’un renouvellement à l’anglaise. Pourquoi ?

Une école est le signe de renouvellement d’une société, son poumon pour ainsi dire. Francine Charbonneau vient-elle de comprendre l’erreur ? Dans sa publicité de campagne électorale, elle mentionne sa volonté à travailler pour ouvrir d’autres écoles parce que depuis l’ouverture de la 25, il y a eu une augmentation substantielle de jeunes familles. Mais il est trop tard pour St-Vincent de Paul : le favoritisme (?) envers les anglo-italiens et le fait qu’il n’y a plus de terrains assez vastes pour bâtir de nouvelles écoles primaires francophones fait en sorte que St-Vincent de Paul s’anglicisera naturellement. Plutôt que de favoriser la communication entre les communautés, la Ville préfère creuser les solitudes et le ressentiment par pur opportunisme pour ses caisses. Dommage.

Ajoutons que madame Charbonneau n’en est pas à sa première campagne comme député. Si elle a pu recevoir par le passé un bon coup de pouce de la machine libérale – gangstériste – du maire Vaillancourt, en sera-t-il ainsi cette fois ?

Le mystérieux pouvoir du Parti libéral

Pour confirmer si le transfert de l’école Notre-Dame de la Commission francophone vers la Commission anglophone fut le fruit volontaire d’un favoritisme envers une communauté qui avait beaucoup d’argent à donner aux caisses de Vaillancourt, il faudrait faire une enquête. Il n’en demeure pas moins que ce transfert fut le lot d’un manque de vision à long terme. Cet épisode relève soit d’un manque de jugement du Conseil ou d’une pression occulte pour favoriser l’épanouissement de la communauté anglophone de St-Vincent de Paul. Le mystérieux code d’éthique des libéraux est des plus inquiétants.

Ce même bris du tissu social francophone pourrait survenir avec Philippe Couillard qui fait partie de cette même famille libérale : une forte propension au mystère et à l’éthique élastique tel que l’a déjà écrit Lysianne Gagnon dans La Presse . Il est difficile de faire confiance à un homme qui semble travailler à des intérêts qui ne sont pas nécessairement ceux de la majorité et qui prétend publiquement souhaiter le bien de notre nation. La candidate libérale des Mille-Îles ne fait que confirmer l’opacité dans laquelle aime évoluer le Parti libéral, tout comme le maire Vaillancourt, de même famille politique, n’a eu aucun scrupule à gérer « sa » ville comme un roi, au gré des richesses que ses sujets pouvaient lui rapporter. Les francophones de la Ville de Laval paient le prix d’un saccage produit par un manque de vision ou d’opportunisme électoral. Voulons-nous la même chose pour tout le Québec ?