Le chef du parti libéral nous dit que ce qui nous rend fort, ce n’est pas qui nous sommes, ce sont les vraies affaires. Ce qui fait qu’on est quelqu’un dans la vie, ce n’est pas notre identité, c’est l’économie. M. Couillard semble faire une équation entre sensibilité identitaire et faiblesse. Comme si la défense de notre identité exprimait une vulnérabilité.

L’identité est multidimensionnelle. Elle porte à la fois de la puissance et de la sensibilité. L’une ne va pas sans l’autre. Ces dernières années, les Québécois se sont fait imposer littéralement des coutumes religieuses et d’affaires. C’est ce que les Québécois ressentent. Lorsque nous sommes heurtés dans nos valeurs, nous avons la liberté de l’exprimer et c’est parfois vital. C’est cette occasion qu’offrait le projet de la charte.

M. Couillard a raison de dire que les Québécois sont forts. Ce qui nous permet de dénoncer éventuellement ces cultures imposées tient à une forte identité. C’est justement pour ça que les Québécois sont capables de défendre leur sensibilité. Et le contraire serait suicidaire, tout simplement. En dénigrant cette grande démarche identitaire qu’est la Charte, le chef du parti libéral nous propose un suicide.

S’il est une chose que les Québécois ne peuvent évacuer de leur identité, c’est bien la partie sensible. C’est elle qui nous alerte du danger, c’est aussi elle qui nous octroie une créativité. La sensibilité est indispensable à l’identité. Et elle ne relève pas d’une faiblesse même si les hommes ont culturellement cette impression. Le sensible est à l’origine de tout le reste.

Le peuple québécois n’est pas en train de pleurer sur son sort, il affirme sa nature propre. Sans culpabilité. La raison pourquoi il peut s’affirmer vient justement de la force de son identité, de son désir de rester intègre à elle. Se faire imposer une coutume qu’elle soit religieuse ou affairiste est toujours désagréable. Si les Québécois ne savaient plus qui ils étaient, ils ne pourraient pas prendre les moyens pour défendre l’intégrité de leur identité. Ils diraient comme les libéraux et leur chef : L’économie, c’est ça les vraies affaires. L’identité, c’est agaçant pour l’économie. Pour Philippe Couillard, l’intégrité tiendrait-elle donc à la grosseur du portefeuille plus qu’à la sincérité de l’être ?

La sensibilité de certains dirigeants

La seule sensibilité du Parti libéral, c’est la puissance économique. Grâce à la Commission Charbonneau, nous savons maintenant que dans le domaine des vraies affaires, le plus fort se trouve aussi souvent sensible aux ficelles de la corruption. Les élus ont voulu fermer les yeux sur la cascade d’anomalies dans nos systèmes. On a traité cette culture de la corruption comme une normalité à cause de la peur de parler. Le manque d’intégrité cause notre perte de puissance économique. Chacun est responsable de faire valoir l’intégrité comme valeur commune. L’intégrité, c’est le bouclier de l’identité. Lorsque quelque chose d’anormal est fait passé pour normal, l’intégrité est grugée et engendre un déséquilibre identitaire parce qu’elle fait valoir le court terme, les raccourcis, le pouvoir tout puissant de l’intimidation qui écrase la sensibilité. Lorsqu’on ne se protège pas, la gangrène s’installe. Ainsi, la corruption a pris le dessus parce qu’on a protégé la puissance et on a écrasé la sensibilité; ainsi le multiculturalisme anglo-saxon basé sur le mépris de notre identité intimide les Québécois pour les forcer à accepter une culture qui n’est pas la leur.

La maladie mentale, perte de l’identité

À quoi sert l’identité? À ne pas devenir fou, à ne pas se mentir, à ne pas manipuler ni à se laisser dominer, à donner la bonne direction à notre vie, un sens réel. Faire valoir qui on est relève d’une force intérieure. C’est justement grâce à l’identité que nous pouvons rester intègres, et grâce à l’intégrité que nous pouvons conserver notre unité propre. C’est notre conscience pure. La recherche de cet équilibre nous conduit nécessairement à une introspection régulière qui assure la préservation de notre identité. J’entraîne régulièrement des individus qui se sont perdus dans la société de performance à retrouver leur intégrité, ce qui leur évite un dysfonctionnement mental. Je puis vous assurer qu’ils sont infiniment plus forts lorsqu’ils se rebranchent à eux-mêmes, qu’ils retrouvent le courage d’être soi. C’est une démarche silencieuse, ardue, à contre-courant, mais vitale pour l’équilibre. Tout bon docteur recommanderait cette prise en charge de soi et de conscience de soi parce que ça rend les gens en santé. C’est rentable mais… pas pour les pharmaceutiques.

Justement, le cercle vicieux que rencontrent les gens ballottés par le système de santé ne leur permet pas nécessairement de retrouver leur identité, mais bien au contraire, de s’en déconnecter davantage: le burn-out conduit chez le docteur, le diagnostic de la dépression conduit chez le psychiatre et le psychologue. Ensemble, ils pourront offrir des soins au patient parce que celui-ci a des assurances. Sans assurances, le patient ne pourra pas être récupéré par cette machine qui ne souhaite qu’une chose: votre retour au travail. Or cette même machine qui favorise la médication tend à perturber l’équilibre naturel qui permettrait justement de se reconnecter avec son sentiment identitaire. Se réconcilier avec la sensibilité émotionnelle et nerveuse pour la transformer en force créative vivifiante, ça peut prendre du temps. Et c’est là tout l’enjeu: le système a besoin de cette force pour faire tourner son économie et feint d’ignorer pourquoi il la détériore…

Ainsi, l’identité et la santé mentale, le libre-marché n’en a cure. Il veut des esclaves qui ne posent pas de questions. C’est pourquoi le manque d’intégrité est valorisé pour garder les ressources humaines à disposition de l’État qui elles sont à disposition des multinationales. Que les gens vivent en fonction de leur équilibre plutôt qu’à la faveur de leurs déviations psychiques, ça frustre les pouvoirs en place… Parce qu’un être intègre est difficile à manipuler. Quelqu’un qui a une identité forte ne s’achète pas.

Le bon docteur fait partie de cette caste qui encourage – sans le savoir – la déconnexion d’avec soi. Asseoir son identité uniquement sur les vraies affaires, sur la puissance de l’argent est un jeu dont les électeurs sont las. Les personnalités qui s’exhibent devant l’électorat sont de plus en plus empruntées, sans profondeur. Ils expédient des paroles creuses qu’ils dynamisent avec des clichés, espérant que les électeurs seront assez distraits ou occupés à survivre à leur déséquilibre, pour ne pas entendre l’insipide.

Savoir défendre son identité intrinsèque lorsqu’elle se fait gruger, affirmer qui nous sommes avec intégrité propulse dans l’action juste, brise le doute et fortifie la confiance, la vitalité, la créativité, ce dont les Québécois sont bien pourvus aujourd’hui. L’intégrité… N’était-ce pas justement l’enjeu sur lequel le Parti libéral de Jean Charest avait perdu ses élections de 2012 ?