POUR UN HUMANISME DU 21e SIÈCLE

Toutes les branches des sciences humaines sont tributaires de nos comportements. L’étude du comportement humain en tant qu’animal pensant est portée par les départements de psychologie dans nos universités. Ces institutions traitent des limites et beautés de l’humanité, sur le plan strict du comportement psychologique. Elles entretiennent et coordonnent notre perception de nous-même en tant que race dans tous les secteurs de nos vies : travail, finance, politique, loisir, développement et recherche, spiritualité, etc. La connaissance de l’humain face à lui-même est donc influencée directement par des études dirigées par nos institutions : universitaires, scientifiques, religieuses.

Depuis toujours, la psychologie institutionnelle développe ses recherches autour du comportement animalisé de l’humain. L’être n’existe que par son sentiment d’appartenance au groupe. Aussi bien dire : l’individu n’a pas d’existence propre et autonome. Telle est la conception admise.

C’est ainsi que les universités véhiculent une image de l’être réduite à sa seule dimension psychologique parce qu’elle est plus facile et pratique à étudier : nous pouvons la mesurer via un comportement. La portée de cette vision n’est pas banale. Elle colore ce que nous pensons de nous-mêmes en tant que société et nous réduit à une dimension visible qui entretient l’idée que nous ne sommes que des animaux pensant.

Les institutions ont circonscrit les études de tous les départements à des fondements visibles et mesurables. Tout le reste est considéré ésotérique, alors même qu’elles font fi de dimensions importantes de l’individualité. Cette méconnaissance de l’humain a un impact dans tous les autres secteurs de la recherche.

Conséquemment, à défaut de structures, les croyances dites ésotériques remplissent le vide que ne veulent pas occuper les chaires universitaires dans le domaine des dimensions invisibles de l’humain par crainte de manquer de crédibilité elles-mêmes. Les institutions n’offrent aucun programme susceptible de pousser l’étude de la science humaine à un niveau dépassant l’intellectualisation de la psyché et du mental. Elles sont prêtes à faire entrer à flans ouverts les applications pratiques des sciences et technologies, mais rien en terme empirique concernant les sciences humaines.

Psychologie

En psychologie, on ne dépasse guère le concept jungien de l’inconscient pour expliquer le mystère constitutif de l’humain, c’est-à-dire de chacune des 8 milliards de personne que nous sommes. Or la psyché se situe bien au-delà du concept et le mental humain est plus qu’une représentation. Ce sont des dimensions de l’être qui méritent d’être cadrées dans une étude sérieuse. Sachant que nous n’avons pas exploité le 10e de notre cerveau, il serait prétentieux de croire que nos universités portent les réponses à nos questions existentielles et aux souffrances et déséquilibres psychiques et mentaux qui souvent en découlent.

Religion

En théologie, les prémisses sont axées sur les enseignements des livres sacrés. Les grandes religions ont certes exposé les expériences de personnages transcendants nous aspirant vers l’au-delà. Elles ont la grandeur d’exprimer qu’une partie de l’humain relève de paramètres invisibles. Malheureusement, des hommes en ont profité pour en faire un outil de domination des consciences. C’est pourquoi le Québec a eu le juste instinct de s’éloigner de cette institution. Depuis, la quête du soi n’est plus reliée à un seul Dieu omnipotent, le moi de l’individu peut grandir par lui-même. En dépit du tâtonnement, toutes les explorations faites par les gens sont louables, dans un monde où personne ne nous a donné le mode d’emploi, face à l’esprit individuel. La quête du sens est beaucoup plus saine que celle du pouvoir d’achat.

Philosophie

Toute tentative de rationalisation philosophique du moi n’en fait rien de bien vivant ni d’organique. L’humain est un être vibrant en énergie, il transcende la réflexion philosophique. La raison ne peut expliquer à elle seule qui nous sommes. C’est pourquoi les gens se cherchent là où ils se sentent vibrer. Les arts permettent de résonner de la même manière que l’ésotérisme, là où la philosophie ne peut que raisonner.

Ésotérisme

Dans cet univers foisonnant de chimères et autres fantaisies, les mots « éveil de conscience » sont souvent détournés de leur sens par des gourous spirituels. Des pans entiers de notre conscience sont inexplorés car, nous les avons laissé si longtemps aux représentants religieux, que nous avons développé la croyance qu’il ne fallait pas s’occuper de ce territoire invisible. Alors nous croyons aux anges comme à tout maître qui peut nous décharger de la responsabilité de connaitre notre moi par nous-même. Mais ça, le dieu de l’argent peut aussi le faire.

Ainsi conditionnés à connecter avec notre inconscient grâce à des intermédiaires (prêtres, gourous, prophètes, psychologues), nous ne nous accordons pas le pouvoir de savoir par nous-mêmes. C’est pourquoi les gens ont besoin de croire. Et ils sont prêts à tout, surtout lorsqu’ils sont angoissés devant le sens de l’existence. Alors apparait le marché florissant de sectes et autres réponses fast food, pour soulager ces angoisses, voire ces psychoses de plus en plus fréquentes.

Faire un choix de société

Pourtant, nous ne nous connaissons pas. Nous avons peur de lever les voiles qui nous maintiennent dans l’inconscience. Habitués que nous sommes à céder la direction de notre conscience aux autres, nous n’avons jamais décidé en tant que société de nous fournir des assises solides pour traiter d’aspects aussi immatériels. Et pourtant ! Par exemple, tout l’aspect éthique de notre communauté tient à l’intention, partie invisible du moi qui décide de ce qui est bien ou mal, en fonction qui d’une culture qui d’un traumatisme et que nous pouvons exprimer ou taire, selon que nous avons des intérêts à le faire.

Notre conscience est un territoire apparemment inexploité, mais certainement pas aussi vierge et pur qu’on le croit, à en constater le haut degré de corruption et de violence dont il est porteur. Nous devrions avoir la hauteur de considérer la race humaine comme une science de grand calibre. Au lieu de ça, nous nous voyons comme de la chair à canon ou de simples esclaves au service d’un système qui ne rapporte qu’à certains, et dont nous ne savons pas comment sortir. Notre nébuleux pouvoir d’intentions souvent inconscient ou conditionné par les tendances d’époques exprime notre refus collectif de comprendre les mécanismes de l’âme et de l’esprit. Pourtant cette étude nous permettrait de rendre plus transparentes nos vies quotidiennes et les coûts sociaux en seraient grandement atténués. Elle nous conduirait aussi à une créativité vitalisante.

La science

À la recherche de remèdes de guérison instantanés, la quête de soi s’est transformée en pure consommation d’une magie, qu’elle vienne des sciences et technologies (antidépresseur, ipad, nanotechno-miraculeuse pour nos corps malades qu’on veut jeune éternellement, etc.) ou de l’ésotérisme (anges rassurants pour l’âme malade d’opacité, etc.). Nous sommes prêts à croire n’importe qui ou quoi pourvu que nous puissions nous décharger de la responsabilité de sonder notre intérieur. Le consommateur cherche uniquement le bien, le plaisir, le profit, la jeunesse, et refuse dorénavant de prendre de la dimension, en passant à travers la douleur et les morts quotidiennes qui nous permettent les mutations nécessaires à notre équilibre.

Les gens se tournent vers l’ésotérisme non seulement par facilité consumériste, mais aussi parce que la science ne donne guère de réponses plus rassurantes. Les egos des scientifiques peuvent aisément se comparer à ceux des gourous ésotériques, dès lors qu’une étude est contredite par une autre dans la majorité des cas. Comment le commun des mortels peut-il croire qu’un steak carbonisé est réellement cancérigène, si une autre étude démontre les bienfaits du carbone ?

Qu’y a-t-il de rassurant à voir nos universités devenir les otages des nouveaux gourous que sont les Dieux-corporatistes composés de CA parfois douteux, mais surtout faisant de nos institutions des commanditaires tout azimuts des technologies. Le déni des sciences fondamentales n’est guère plus intelligent que la croyance aux raéliens.

L’ésotérisme fait simplement le contrepoids à une science qui a fait table rase de toute recherche des mondes subtils. On utilise maintenant la physique quantique et la nanotechnologie pour se rapprocher de l’infiniment petit, sans chercher à comprendre ce qui construit la conscience immatérielle de l’observateur. Pourquoi ? Parce que les machines ne peuvent pas en mesurer les influences, elles ne peuvent pas agir comme intermédiaire pour dire au moi s’il a du pouvoir sur ce qu’il regarde ou non. Dans le domaine de l’invisible, seule la conscience intérieure peut savoir ce qu’elle doit savoir. C’est pourquoi les institutions universitaires, scientifiques, religieuses ne peuvent offrir qu’une représentation de la réponse, mais jamais la réponse elle-même.

Ainsi, il existe bel et bien des dimensions où la matière n’existe pas. Pour être décodées, ces dimensions exigent le développement d’une conscience supérieure et juste. Cette conscience à laquelle certains prophètes ont eu accès n’est plus interdite au commun des mortels les plus sensibles, ce qui est une bonne nouvelle. Mais c’est aussi pourquoi une pléthore de charlatans peuvent profiter de cette manne en désir d’éveil.

Pourquoi l’université ne satisfait pas ?

Le moi comporte plusieurs dimensions. Nous n’en avons étudié qu’une à l’université : la dimension psychologique du moi, celle qui explique le comportement animal de l’humain. Or nous sommes plus que des animaux pensants, nous sommes des esprits dans un corps. C’est cette science-là dont les institutions ne veulent jamais parler. Conséquemment, les gens ne trouvent pas de cadre adéquat pour structurer l’étude. Cette étude de toutes nos dimensions nous permet de mettre en position notre moi, en toute objectivité. Mais étudier les mécanismes de l’âme et de l’esprit est long et ardu, dans un monde en quête d’instantanéité. Croire quelqu’un d’autre est donc un raccourci idéal.

De tout temps, les gourous de la science ou des religions et sectes ont fait appel au désir de croire. Sortir du désir de croire, c’est nous sortir totalement de la dépendance au sauveur, pour entrer dans l’étude de soi. C’est enfin se responsabiliser de son intérieur, c’est vouloir diriger sa conscience sans intermédiaire. Très peu de gens souhaitent devenir responsables de la direction de leur conscience, qu’ils soient universitaires, entrepreneurs, artistes, élus ou ésotéristes. Parce que c’est trop pratique, dans notre maladresse à être un humain, de blâmer les autres lorsque nous traversons des turbulences.