Le mouvement #metoo nous permet enfin de casser le vernis de nos vices et de nos vertus pour y voir plus clair. Est-ce la naissance d’une nouvelle conscience sociale plus avertie? Nous verrons bien, car ce mouvement, pour devenir sain, devra se traduire par une responsabilisation individuelle, homme comme femme, face à ses désirs propres.
On ne fait pas d’omelette sans casser d’œufs. Nous avons donc assisté à quelques dérapages exprimant une intolérance démesurée face aux hommes. Certain.es plaignant.es tombant soit dans la confusion des intentions, soit dans le manque de prise en charge de soi.
Pour briser la culture du misogyne ou du prédateur, il faut accepter cette confusion et la pardonner en raison de la zone grise nommée « désir ». C’est peut-être ce que le groupe de signataire – dont Catherine Deneuve – a présenté bien maladroitement en appelant au « désir d’être importunée ». Il fallait ne pas confondre ici séduction et harcèlement. Il semble aussi que la tolérance des jeunes femmes soit plus courte que celle de leurs ainées.
Ce qui est dénoncé par #metoo
Le mouvement #metoo dénonce l’incapacité de notre société à maitriser le désir dans son sens sublime. Les dénonciations sexuelles sont la pointe de l’iceberg et trahissent l’incompétence des hommes et des femmes à composer, dans un monde matérialiste, avec la partie la plus élevée de leur conscience : l’esprit.
Le manque d’esprit est conditionné par les mécanismes institutionnels religieux, juridiques, politiques et financiers qui ont favorisé l’opacité, la suprématie, la compétition, la polarisation, l’hégémonie, la convoitise, l’appât du gain, la guerre des hommes entre eux et bien sûr, l’asservissement des femmes.
Féminisme : restons vigilants
Certaines féministes ont décidé qu’il fallait protéger les femmes, soumises à leur religion, sous le prétexte d’ouverture à la différence. Par défaut, elles acceptent que la domination mâle se perpétue. La position de ce féminisme multiculturel, devant les diktats religieux, prétexte une ouverture à d’autres religions comme signe de tolérance. Ce sont les limites de la raison qui construisent cette illusion. La raison n’a pas toujours pour vocation d’être vraie puisqu’elle ne comptabilise pas l’invisible, les intentions cachées.
Ce courant féministe nébuleux anéantit le désir comme source d’évolution car de tout temps les religions l’ont puni. La femme fut souillée comme objet et sujet de désir. C’est pourquoi elle dérange. Pour couper court, on lui a enlevé le droit de désirer, elle doit être modeste et se soumettre à l’austérité. Et plus nous encourageons les religions sur la place publique, plus nous envoyons le signal aux hommes que les Écrits saints ont (eu) raison de punir la femme. Or qu’est le désir sinon une porte intangible vers l’évolution de notre conscience, que la raison ne saisit pas ?
La misogynie est entretenue par cette culture de « l’empire de l’homme » dont la femme croit dépendre. Lorsqu’elle s’en délivre, elle reste souvent accrochée à l’idée que l’homme est plus fort qu’elle et prête le flanc à l’abus. Reste que beaucoup d’hommes ignorent qu’ils sont violents ou prédateurs (sous toutes sortes de formes) car c’est culturel, donc admis. C’est difficile de se défaire d’une habitude qui fait de nous des gagnants.
Lorsqu’on condamne la culture de la prédation, on ne condamne pas quelqu’un en particulier, mais le système de justice qui force notre humanité à pointer du doigt parce que nous avons perdu nos principes.
Prendre la responsabilité de ses intentions cachées
La société semble donc mûre pour plus de transparence. Or qui dit transparence, dit connaissance de soi et responsabilisation face à ses intentions cachées dont le désir est l’épicentre. Nous vivons dans une société qui va trop vite et qui est trop matérialiste pour saisir le désir comme source d’angoisse, de dérèglement nerveux, de pulsions incontrôlées causant bien des tremblements de terre au sein de l’être, des couples, des familles, des entreprises. Et pourtant les pulsions du désir sont bien réelles en chacun de nous.
La sublimation est au cœur de cette question, en tant que vertu. Ne plus s’en tenir qu’à des désirs matériels – qu’on qualifie de pragmatisme – nous fait perdre le contact avec le feu réel du désir qui nous obligerait à faire le ménage de notre psyché. En mots simples, ça fait peur au monde cette étude de la conscience de soi parce que n’est pas valorisé par la société de consommation.
Pas le temps pour ces détails dont le diable pourtant se régale… Reste que, ne pas tenir compte du désir sublime nous déconnecte d’abord de notre intérieur et, de ce fait, de principes fondamentaux qui font de nous une personne intègre, transparente, éthique.
La confusion des intentions nait de ce manque de contact avec nos désirs profonds et inconscients. Plus nous devenons matérialistes, pragmatiques, moins nous reconnaissons nos désirs propres. Plus la société va vite, plus nos désirs sont prisonniers d’un temps qui n’est pas le nôtre ; nous sommes des esclaves d’un patron invisible. Or le vrai patron devrait être le désir sublime comme fondement de notre élévation, de notre évolution, de notre individualisation. Il faut pour cela en assumer la réalité et en assurer la maitrise.
Le désir provoque une initiation nécessaire
Un désir qui ne répond qu’à la réussite matérielle n’est pas en phase avec tous les principes d’une personne. Il manque quelque chose.
C’est aussi ça le désir, la manifestation du manque de quelque chose (voir La quête du détachement). C’est la carotte qui vous propulse dans une action, parfois contre votre volonté. Le désir est un mécanisme qui assure à l’âme d’évoluer, même lorsqu’elle le refuse. Évoluer, c’est prendre du grade, développer plus de force intérieure, de maturité, avoir plus d’autorité sur soi et donc ne pas prendre les désirs des autres et de la société pour ses désirs individuels.
L’individu qui devient responsable de ses désirs s’assure de dépasser l’impression de manquer de quelque chose. Il sort ainsi du matérialisme et de l’insécurité affective. La déchéance de notre ère moderne vient de ce que le désir est aspiré dans la grande illusion de la société de consommation. Nous sommes tous devenus le marchand d’illusion de quelqu’un pour faire rouler l’économie.
Comment dépasser l’impression de manquer de quelque chose quand nous croyons dépendre des autres ? Comment retrouver la capacité d’élever le désir vers le sublime lorsque nous craignons d’être ostracisés par une société hypermatérialiste ?
Nous avons tué la part sublime du désir. Et on se demande pourquoi les jeunes préfèrent défendre leurs droits plutôt que de défendre l’amour…
Super beau texte MERCI