Alexandre Bissonnette nous a laissé une lettre à nous tous, citoyens du Québec bouleversés par la tragédie de l’auteur compulsif des attentats de la Mosquée de Québec. Il a avoué publiquement l’horreur de sa persécution intérieure et celle de son impuissance à confronter ses démons. Sa lettre nous a parlé de son état de détresse auquel tout un chacun peut être confronté dans sa vie.

Cette lettre a pourtant laissé un vide concernant son intention profonde et sur laquelle quelques élites religieuses supputent sans preuves.

Alexandre Bissonnette leur a dit qu’il n’était pas un terroriste, que le coupable, c’est le démon. Qu’a-t-il a voulu exprimer?

Manque d’autorité intérieure

Le diable interfère constamment dans nos désirs. C’est son boulot de nous mettre des bâtons dans les roues et plus nous le craignons, plus nous rétrécissons nos aspirations les plus légitimes.

Nous nous réduisons tous de la sorte jusqu’au jour où nous décidons de mettre fin à son harcèlement dans notre conscience. Ce jour-là, la colère gronde. Nous tirons à boulets rouges (pensées négatives, suicidaires) ou à l’extérieur (irritation, agressivité, violence sur autrui).

Nos réactions non maitrisées deviennent alors un champ de bataille où peut triompher notre force sur le mal. Mais dans le tréfonds de notre psyché, que nous avons si peu côtoyée ou explorée, trop peu de pensées critiques nous éclairent. Nous devenons émotifs, sans en comprendre le motif. C’est cela qu’Alexandre Bissonnette nous a exprimé. Il n’a pas réussi à développer assez de force intérieure pour trouver autorité sur ses démons.

La condamnation par les élites

Les élites religieuses ont déclaré ne pas croire Alexandre Bissonnette lorsqu’il affirme n’être pas un terroriste. Nous devons les croire sur parole ? Quelle preuve ont-ils pour présumer de telles allégeances alors que la rumeur court qu’il pourrait aussi bien s’agir d’un crime passionnel ? Rien n’excuse le meurtrier. Il le sait. Et en plaidant coupable, il ne doit pas d’autres explications. Nous ne saurons peut-être jamais le motif qui l’a conduit à commettre l’irréparable. Nous devons toutefois porter attention lorsqu’il affirme ne pas être un terroriste. Pourquoi mentirait-il à cette étape de son procès puisqu’il se sait condamné à 25 ans au minimum d’incarcération ?

Pourquoi les élites religieuses tiennent-elles à créer l’image d’un jeune homme terroriste ? Faisant ainsi le procès du meurtrier, croient-elles que cela aidera les victimes à passer à autre chose ? Ou bien est-ce une occasion d’utiliser ces pauvres victimes pour faire la preuve que les musulmans sont plus persécutés que les autres ? Toutes les formes de persécution sont créées par les démons intérieurs. Ce sont des pensées négatives. Il faut apprendre à les étudier, à les dompter, les critiquer, à changer leur fréquence plutôt qu’à les prendre pour la réalité.

Il serait temps que les élites religieuses (de toute obédience) cessent d’utiliser ou de déformer l’affect de gens sous l’emprise d’un Dieu, et qu’ils cessent de s’approprier une supériorité morale ou divine en tentant d’exercer un pouvoir sur les consciences, tout en prétendant en être les gardiens désignés. Mais surtout, que les fidèles développent une autonomie morale.

La réalité c’est que l’être peut enfin devenir gardien et directeur de sa propre conscience lorsqu’il prend autorité sur ses démons. Cesser de l’infantiliser sera le plus grand triomphe de l’humanité.

Les Québécois connaissent l’impact de l’emprise religieuse sur les consciences soumises à une morale dogmatique. Ils sont sensibles à ce jeu subtil de domination. Les élites religieuses maintiennent trop souvent les fidèles dans la peur de s’ouvrir aux autres afin de garder mainmise sur leur conscience. Leurs paroles sont bues par les fidèles comme un élixir anti-démon; les élites leur font croire qu’ils sont leurs bienfaiteurs, avec les conséquences que cela peut entraîner.

Nous connaissons bien au Québec ces double-faces subtilement dominatrices, inquisitrices, intimidatrices, abuseurs de pouvoir. Nous en avons souffert puis repris notre pouvoir sur notre destinée intérieur, sur la direction de notre conscience.

Le diable dans le détail

Ainsi le diable n’est pas l’apanage des criminels ni celui des femmes (comme la bible l’a maintes fois illustré). Le démon est inclusif. Il habite toutes les âmes, incluant celles des élites religieuses drapées sous de vertueux linceuls.

Il rôde autour de chacun à l’affût de la moindre faille, de la moindre insécurité, de la moindre perte d’autorité sur autrui… Prier, se fâcher, dénigrer, se geler ne change rien au mal qui nous habite.

Il faut réellement l’affronter de l’intérieur, seul, avec pour arme unique sa lucidité, l’esprit critique absolu devant notre psyché enchevêtrée, assiégée. Et bizarrement, quand quelqu’un se libère de ses démons, les autres le rejettent.

Le diable est aussi parfaitement solidaire de notre faiblesse, de notre propension à victimiser : il nous aide à trouver des compensations (l’alcool, la prière, le travail, le crime, etc.). Il y a, certes, des compensations dépravantes et édifiantes, mais le démon est indifférent au bien et au mal.

Vous voulez accumuler plus de biens ? Vous trouverez ce qu’il faut sur votre chemin… en échange de quelque chose qui vous est encore plus cher.

Vous avez peur de perdre votre entreprise ? Se présentera un prêteur-sauveur qui vous fera sauver la face devant votre famille et à qui vous aurez oublié de poser quelques questions importantes de peur de voir s’évanouir l’occasion de vous sortir de l’impasse.

Vous craignez la rupture amoureuse ? Vous cèderez aux moindres demandes de votre partenaire pour garder son amour.

Vous vous sentez en détresse existentielle ? Vous confiez votre peur de la folie au curé et il vous rassure : vous êtes une bonne personne. Au docteur, il vous donne des médicaments et vous êtes engourdi.

Cette paix a un prix…

Et nous sommes déçus de nous-mêmes lorsqu’à chaque fois, nous remettons au lendemain notre responsabilité de prendre autorité sur le mal. C’est la prérogative du diable : nous garder sous hypnose.

Finalement, ce que nous pouvons tenter de comprendre du fait qu’Alexandre Bissonnette ait plaidé coupable et du contenu de sa lettre, c’est que, dans tous les cas, nous sommes seuls à pouvoir réellement mettre fin à cette persécution interne pour sortir du leurre et accéder à un apaisement.