Peu d’oeuvres ont été aussi falsifiées et caricaturées que celle du philologue et philosophe allemand Friedrich Nietzsche (1840-1900). Ce fut une tâche difficile pour Philippe Sollers, romancier et éditeur, Clément Rosset, philosophe, et le jeune germaniste Dorian Astor de réhabiliter, en deux courtes heures, la richesse d’un auteur dont les derniers manuscrits ont été remontés et défigurés par sa soeur Elizabeth, afin de les mettre au service de l’idéologie nazie. Une pensée qui fut par la suite, trop souvent, réduite à quelques grands concepts dressés comme des épouvantails, « le surhomme », « la volonté de puissance », « l’éternel retour », « l’Antéchrist », ou encore critiquée comme étant incohérente, confuse ou trop poétique.
Texte tiré du Journal Le Monde
« Le Monde » a voulu réhabiliter la richesse et les éclats de la pensée du philosophe « sans patrie », hanté par la figure de Dionysos, lors d’une rencontre-débat organisée à l’occasion de la parution de deux recueils.
Philosophie du soupçon Pour commencer, Dorian Astor a expliqué comment Nietzsche, s’attaquant « à coups de marteau » à la morale dans Par-delà bien et mal, a développé une pensée du « soupçon », que vont ensuite reprendre Freud, puis Michel Foucault. Que soupçonne Nietzsche ? « Derrière la morale et l’idéalisme, derrière la philosophie et les bons sentiments règnent les pulsions, les désirs, l’inconscient, la volonté de dominer. Pour lui, tout jugement de l’intellect trahit un jugement de goût, le « oui » ou le « non » du palais et du corps, révèle en fait des préférences… Il démasque des luttes de