On ne peut passer sous silence un chef-d’oeuvre multidimensionnel !

C’est rare qu’une oeuvre musicale populaire adaptée pour une symphonie nous donne l’impression d’avoir d’abord été écrite pour un orchestre. C’est bien ce que j’ai ressenti lorsque je me suis consacrée à l’écoute de la version symphonique Histoires sans paroles.  Le Maestro Simon Leclerc a élevé l’oeuvre complète composée par le groupe Harmonium entre 1974 et 1979, à un autre niveau de sensibilité. De l’âme vers l’esprit.

Vibrant, lumineux, spirituel, fougueux, cinématographique.

Un orchestre symphonique apporte à la fois puissance et délicatesse. Ça explique en partie pourquoi l’oeuvre d’Harmonium s’adapte si bien à la symphonie. La délicatesse s’entend dans chaque détail et chaque nuance, comme une dentelle tissée à même l’étoffe des trames originales. La puissance, c’est l’orchestre !

Lorsque j’ai entendu parler de la version symphonique, j’ai eu peur : qu’allait-il advenir de l’impact fulgurant qu’ont eues les 12 cordes de Fiori sur ma jeunesse ? Et comment allait-on adapter sa voix – unique, profonde, douce – et ses falsettos frissonnants qui écorchaient mon être pour l’amener à sa lumière ?

On est ailleurs

Complètement ailleurs.

J’ai été surprise par l’usage parcimonieux mais combien efficace des magistrales voix de Luce Dufault et de Kim Richardson. L’âme des deux chanteuses remplit l’espace et vibre à l’esprit d’Harmonium, avec une chaleur et une largesse à hauteur symphonique. Cette stature les rend comme omniprésentes.

Je n’ai pu m’empêcher de juxtaposer en filigrane Monique Fauteux, la voix envoûtante et feutrée de l’oeuvre originale. Encore là, toute comparaison dans le réaménagement des voix est inutile.

Je connais l’oeuvre populaire par coeur. On est ailleurs.

Les médias soulignent l’album platine

L’œuvre complète d’Harmonium a été adaptée avec beaucoup de finesse par Maestro Simon Leclerc et interprétée avec brio par l’OSM. Le disque a été enregistré à la Maison symphonique de Montréal et réalisé par Serge Fiori lui-même.

Vendu à  plus de 80 000 exemplaires en deux mois, le disque Histoires sans paroles-Harmonium symphonique est désormais certifié platine par Music Canada (10 février 2021).

La Presse souligne « Un exploit lorsqu’on considère qu’Harmonium symphonique n’est pas disponible sur les plateformes de téléchargements habituelles ni dans les magasins ».

En effet, quel groupe – qui a produit plus de qualité que de quantité – peut se vanter de vendre autant à long terme, sans passer par les médias mainstream ?

Je tiens à le mentionner parce que c’est tout simplement remarquable.

L’intégrité de l’artiste

Je ne peux passer sous silence que j’ai été intimement liée à Serge dans une autre vie. Et aujourd’hui, je ressens le besoin de rendre hommage à l’intégrité sans faille d’un artiste exceptionnel face à ses créations.

Après la vie prenante des tournées, Serge Fiori a pris le temps de faire les choses pour magnifier l’oeuvre dont il était le centre. Prendre le temps, c’est bien cet aspect que j’aimerais valoriser. J’ai pu témoigner de la vision qu’avait Serge sur l’oeuvre d’Harmonium et des multiples projets qu’il entreprenait pour l’animer, comme pour aller au bout de sa vie.

À de nombreuses reprises, le musicien a mis un terme à des ententes parce que les choses ne se passaient plus comme il les avait pensées. Je lève mon chapeau. Jamais il n’a cédé l’esprit de l’oeuvre pour des considérations monétaires ou autre.

Serge Fiori a mis quelque chose au monde et il a pris le temps de l’écouter. 

L’esprit d’une oeuvre, c’est son identité propre, sa signature. Et c’est comme l’esprit d’une loi, on ne peut pas en changer le principe, le code d’origine. C’est le souffle originel. Il reflète celui de l’auteur.

Serge n’a pas recyclé ses succès, comme bien d’autres. Au contraire, il a approfondi l’oeuvre pour l’amener dans ses multiples dimensions.

Durer créativement

C’est pourquoi je parlais d’un chef- d’oeuvre multidimensionnel. Le groupe Harmonium a conçu au final 3 disques. Mais l’oeuvre a eu plusieurs vies, grâce à la ténacité de Serge Fiori. Après 45 ans, il attise encore la flamme pour notre plus grand plaisir.

Serge a reçu le don de la durée. Est-ce relié au fait que l’oeuvre contenait les germes d’une spiritualité, d’un feu nourrissant, d’une messe musicale qui donne du sens ? En tout cas, Harmonium a séduit de manière surprenante et ce, jusqu’en Californie. Le groupe a vécu des expériences venues de nulle part, comme illogiques : Un groupe francophone qui réussit en terre anglo-saxonne, sans traduction ?  Incongru ! Qui pouvait le faire à l’époque ? Qui peut faire ça aujourd’hui ?

La durée de ce succès, au Québec, n’est pas étrangère au fait que les fans de la première heure, dont je suis, ont partagé l’oeuvre d’Harmonium à leurs enfants. Une musique qui a du sens, qui fait vibrer l’âme dans sa quête de lumière. Une continuité dans l’histoire de la musique québécoise.

Il me semble que le monde a bien besoin d’Harmonium en ce moment. Il me semble que les artistes pourraient prendre un cours avec Serge Fiori sur l’art de déguster le temps, de l’utiliser comme énergie créatrice pour le respect de ce qui sort de soi, comme oeuvre.

Aujourd’hui, on ne crée plus des oeuvres, on met en marché des idées sans dimension.

Un musicien parmi tant d’autres…

Serge Fiori n’est pas un musicien comme les autres. Un don lui est tombé dessus, comme un coup de tonnerre. Il s’est retrouvé du jour au lendemain avec une guitare 12 cordes dans les mains. Il s’est mis à jouer, jouer, jouer… à la perfection. Comme en transe, le musicien transportait son public avec lui, dans des dimensions parallèles. C’était euphorisant, remplissant.

Et avec sa voix caverneuse et ses envolées falsettos toujours d’adon, il élevait nos âmes pour assurer qu’elles accepteraient « de passer de l’autre côté du miroir » avec lui.

Un musicien qui a donne une profondeur à la parole – en québécois de surcroît -, ça ne peut être que remarquable.

C’est toujours pour l’amour qu’on devient fou
Ça doit être plein d’amour parce qu’c’est plein d’fous tout partout
Comme si on avait tous peur de se l’dire
Qu’on a du mal à naître, à se regarder mourir
Comme un sage

Y a deux importances, la première, c’est toi pis moi
L’autre, c’est qu’il nous reste encore un autre jour
Le matin se lève encore sur toi, mon amour
Comme un sage
Monte dans les nuages
Monte d’un étage
Laisse-moi voir ton visage…
Si j’pouvais t’offrir une place qui te ressemble
Un lieu qui grandit,…

Je ne sais pas vous, mais pour moi, ça résonne encore aussi fort.

Hors des sentiers

Est-ce qu’une oeuvre symphonique rend la musique et l’oeuvre à son point de perfection ? La version symphonique d’Harmonium nous transporte assurément quelque part, pas de la même façon. C’est plus éthéré, épurée, amplifiée, dans le respect total de l’oeuvre.
Une oeuvre qui, dans toutes ses formes, ne laisse pas indifférent 🙂

L’album Histoires sans paroles-Harmonium symphonique totalise plus de 140 minutes de musique. Faites vibrer en vous une corde ou deux, ça fait du bien à l’âme. Ça crée de l’espace dans le quotidien. Un festin lumineux, une majesté québécoise.

Et en plus : acheter une symphonie locale, c’est plutôt rare !!!

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