{"id":2413,"date":"2017-04-07T23:10:42","date_gmt":"2017-04-07T23:10:42","guid":{"rendered":"http:\/\/laguaya.ca\/?p=2413"},"modified":"2019-05-05T16:16:42","modified_gmt":"2019-05-05T16:16:42","slug":"2413","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/laguaya.ca\/2017\/04\/07\/2413\/","title":{"rendered":"Marc Beaupr\u00e9 et Fran\u00e7ois Blouin: Hamlet et ses fant\u00f4mes"},"content":{"rendered":"
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Texte de Chantal Guy paru dans La Presse<\/a><\/div>\n
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Marc Beaupr\u00e9 et Fran\u00e7ois Blouin, qui nous ont offert les \u00e9tonnants spectacles Caligula_remix <\/em>et Dom\u00a0Juan_uncensored<\/em>, sont de retour avec Hamlet_director’s cut<\/em>, pour lequel ils ont transform\u00e9 le chef-d’oeuvre de Shakespeare en solo, et o\u00f9 Hamlet sera entour\u00e9 des ombres des personnages qu’il cr\u00e9era lui-m\u00eame par la capture de mouvements. Comment entrer dans la t\u00eate du personnage le plus c\u00e9l\u00e8bre de l’histoire du th\u00e9\u00e2tre\u00a0?<\/p>\n<\/div>\n

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DUO CR\u00c9ATIF<\/strong><\/p>\n

Marc Beaupr\u00e9 et Fran\u00e7ois Blouin, deux amis d’enfance, ont cr\u00e9\u00e9 ensemble la compagnie Terres des hommes, qui en est \u00e0 sa troisi\u00e8me production avec Hamlet_director’s cut<\/em>. Deux parcours diff\u00e9rents et une m\u00eame passion pour la cr\u00e9ation qui font de ces deux-l\u00e0 une usine \u00e0 id\u00e9es. Tandis que Marc Beaupr\u00e9 a suivi le cursus plus traditionnel de la formation th\u00e9\u00e2trale \u00e0 l’\u00c9cole nationale de Th\u00e9\u00e2tre sous Andr\u00e9 Brassard, Fran\u00e7ois Blouin est all\u00e9 de son c\u00f4t\u00e9 vers le cin\u00e9ma, pour \u00e9voluer ensuite vers des\u00a0sp\u00e9cialisations techniques qui l’ont fait travailler autant dans la pub que chez Ubisoft et au Cirque du Soleil. Chez eux, les grands classiques et les nouvelles r\u00e9alit\u00e9s technologiques se rencontrent. Ainsi, ils nous ont offert Caligula_remix<\/em> d’apr\u00e8s la pi\u00e8ce d’Albert Camus, audacieuse adaptation sous forme de chorale dirig\u00e9e par un DJ, et Dom Juan_uncensored<\/em>, d’apr\u00e8s l’oeuvre de Moli\u00e8re, qui \u00e9tait retransmise en direct sur Twitter. \u00ab\u2009La\u00a0base de notre compagnie, r\u00e9sume Marc Beaupr\u00e9, c’est une volont\u00e9 de prendre un fond classique et de lui donner une forme r\u00e9solument moderne.\u2009\u00bb<\/p>\n

HAMLET SUPERSTAR<\/strong><\/p>\n

Existe-t-il une figure th\u00e9\u00e2trale plus c\u00e9l\u00e8bre que celle d’Hamlet imagin\u00e9e par Shakespeare il y a plus de 400\u00a0ans\u00a0? \u00ab\u2009\u00c7’a toujours \u00e9t\u00e9 le grand symbole de la raison, explique Marc Beaupr\u00e9. L’arriv\u00e9e sur sc\u00e8ne de la raison moderne. Pour moi, c’est pr\u00e9cieux, c’est la base de la curiosit\u00e9, de la connaissance, du doute. Une esp\u00e8ce de \u00ab\u00a0package\u00a0\u00bb\u00a0que je d\u00e9sesp\u00e8re donc de voir dans la soci\u00e9t\u00e9…\u2009\u00bb Pour Fran\u00e7ois Blouin, \u00ab\u2009c’est l’image m\u00eame de quelqu’un qui se bat pour ne pas devenir fou, ou qui est peut-\u00eatre d\u00e9j\u00e0 fou et qui veut retrouver la raison. Il est clairement dans une tentative d’\u00e9quilibre entre les deux. \u00c7’a toujours \u00e9t\u00e9 \u00e7a, un personnage habill\u00e9 en noir, seul, qui r\u00f4de sur les remparts en philosophant. Il y a aussi l’Hamlet<\/em> avec Mel Gibson, mais je n’arrive pas \u00e0 me rappeler si j’ai aim\u00e9 \u00e7a…\u2009\u00bb S’attaquer \u00e0 ce monstre sacr\u00e9 du th\u00e9\u00e2tre ne les intimide pas du tout. \u00ab\u2009Pantoute\u00a0!\u2009\u00bb, pr\u00e9cise m\u00eame Marc Beaupr\u00e9. \u00ab\u2009Ren\u00e9-Daniel Dubois, qui est un peu notre mentor, nous a dit qu’on ne trahit jamais une oeuvre si elle nous bouleverse et si nous voulons traduire ce bouleversement et le transmettre \u00e0 d’autres. Je\u00a0pense \u00e0 ce que cela repr\u00e9sente et \u00e7a m’\u00e9meut aux larmes. Je ne sais pas si c’est ce que cela va faire aux gens.\u2009\u00bb<\/p>\n

ALLER \u00c0 L’ESSENTIEL<\/strong><\/p>\n

Hamlet_director’s cut<\/em> sera un solo, interpr\u00e9t\u00e9 par Marc Beaupr\u00e9, dirig\u00e9 par Fran\u00e7ois Blouin. Les deux cr\u00e9ateurs ont voulu se concentrer sur le moment de la pi\u00e8ce originale o\u00f9 Hamlet monte lui-m\u00eame une pi\u00e8ce racontant son drame\u00a0–\u00a0son p\u00e8re a \u00e9t\u00e9 assassin\u00e9 par son oncle qui a s\u00e9duit sa m\u00e8re\u00a0–\u00a0afin de pi\u00e9ger son oncle. Le\u00a0\u00ab\u2009director’s cut\u2009\u00bb r\u00e9f\u00e8re \u00e0 Hamlet, metteur en sc\u00e8ne de\u00a0sa trag\u00e9die. \u00ab\u2009Et cette trag\u00e9die lui a \u00e9t\u00e9 racont\u00e9e par un\u00a0fant\u00f4me, ce qui est assez particulier pour quelqu’un qui a la raison comme valeur principale, souligne Marc\u00a0Beaupr\u00e9. Nous sommes partis de ces deux qualit\u00e9s\u00a0:\u00a0le metteur en sc\u00e8ne et l’homme qui doute. Mais\u00a0nous l’avons d\u00e9poss\u00e9d\u00e9 d’interlocuteurs et le doute est beaucoup transf\u00e9r\u00e9 au spectateur.\u2009\u00bb<\/p>\n

Ce qui signifie aussi une grande transformation du texte, qui contient une trentaine de personnages. \u00ab\u2009Nous avons pris la\u00a0traduction que Jean-Marc Dalp\u00e9 avait faite pour le\u00a0TNM en\u00a02013, je pense qu’il avait coup\u00e9 \u00e0 peu pr\u00e8s la\u00a0moiti\u00e9 du texte original qui fait quatre heures, et nous, du texte de Dalp\u00e9, on a d\u00fb prendre le dixi\u00e8me.\u2009\u00bb \u00ab\u2009C’est\u00a0comme si on rentrait dans la t\u00eate de quelqu’un qui r\u00e9fl\u00e9chit sur sa propre vie, poursuit Fran\u00e7ois Blouin. Une\u00a0fois qu’il aura fait du sens, il va tenter de d\u00e9cider quelle action il va commettre. Doit-il se venger, est-ce que cela a du sens de vivre, de mourir, de se suicider\u00a0?\u00a0Dans le fond, c’est un spectacle o\u00f9 on voit quelqu’un qui est en train de se questionner et de vivre \u00e0 travers ses pens\u00e9es, et nous, concr\u00e8tement, nous allons montrer ses id\u00e9es, ses hypoth\u00e8ses.\u2009\u00bb<\/p>\n

HAMLET<\/em>\u00a0–\u00a0TECHNIQUE<\/strong><\/p>\n

Nous avons rencontr\u00e9 Marc Beaupr\u00e9 et Fran\u00e7ois Blouin dans un local de r\u00e9p\u00e9tition de l’est de Montr\u00e9al, alors qu’ils \u00e9taient en train de peaufiner les d\u00e9tails de la mise en sc\u00e8ne avec leur \u00e9quipe. Ce qui fera la particularit\u00e9 de\u00a0cette adaptation sera l’usage de la capture de\u00a0mouvements, utilis\u00e9e principalement au cin\u00e9ma\u00a0–\u00a0mais en direct pour les besoins du th\u00e9\u00e2tre\u00a0!<\/p>\n

Ainsi, Marc Beaupr\u00e9 ne doit pas d\u00e9passer des limites trac\u00e9es au sol pour rester dans l’angle de la cam\u00e9ra qui capture ses mouvements, et qui serviront ensuite \u00e0 l’entourer de fant\u00f4mes rudimentaires qui bougeront autour de lui. \u00ab\u2009Hamlet a toujours cette image r\u00e9currente du meurtre de son p\u00e8re qui l’obs\u00e8de, explique Blouin. Tous les personnages, c’est lui qui les joue. C’est toujours lui qui est en train de cr\u00e9er les silhouettes et les\u00a0mouvements qui vont mettre en images tous les\u00a0personnages. Cela nous permet de mettre en forme un\u00a0\u00eatre humain, seul, face \u00e0 un monde d’images.\u2009\u00bb<\/p>\n

\u00ab\u2009Habituellement, les concepteurs qui utilisent cette technique travaillent des mois, tandis que nous, on a fait le pari de le faire en direct\u2009\u00bb, note Beaupr\u00e9, qui avoue trouver son projet un peu fou dans son exigence, puisqu’il sera le seul interpr\u00e8te et le cr\u00e9ateur de mouvements en m\u00eame temps.<\/p>\n

\u00c0 VENIR\u00a0:\u00a0L’ILIADE<\/em><\/strong><\/p>\n

L’imagination foisonnante et l’audace formelle de Beaupr\u00e9 et Blouin se poursuivront l’an prochain avec l’adaptation de L’Iliade<\/em> d’Hom\u00e8re, texte fondamental de la\u00a0culture occidentale. Ce sera la premi\u00e8re coproduction de leur compagnie, et ils promettent quelque chose \u00e0 grand d\u00e9ploiement. Il avait \u00e9t\u00e9 question au d\u00e9but de livrer les vers d’Hom\u00e8re par le rap, mais \u00ab\u2009l’\u00e9nergie \u00e9tait trop \u00e9loign\u00e9e de l’esprit classique\u2009\u00bb, estime Marc Beaupr\u00e9. \u00ab\u2009Ce\u00a0seront surtout des scansions rythm\u00e9es. Cela va ressembler \u00e0 des hakas maoris

[les danses de guerre chant\u00e9es des Maoris]. La musique va \u00eatre omnipr\u00e9sente. C’est une bonne id\u00e9e de traduire la guerre \u00e0 travers les rythmes. Les gens se font raconter une histoire violente, mais ce qu’ils verront sur sc\u00e8ne, ce sont 10\u00a0com\u00e9diens qui, m\u00eame s’ils sont dans des camps oppos\u00e9s, racontent ensemble. Donc, ils font exactement le contraire de ce que la guerre repr\u00e9sente comme d\u00e9sunion et adversit\u00e9.\u2009\u00bb Marc Beaupr\u00e9 et Fran\u00e7ois Blouin n’ont donc pas fini de m\u00e9tamorphoser les classiques…<\/p>\n<\/div>\n
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