Me Julius Grey, dont l’influence peut ind\u00e9niablement colorer les valeurs de notre soci\u00e9t\u00e9, consid\u00e8re gagnant de pr\u00e9f\u00e9rer une femme voil\u00e9e sous le pr\u00e9texte qu’il vaut mieux la garder au travail pour son int\u00e9gration. A-t-on des preuves ou statistiques d\u00e9montrant le fait de cette int\u00e9gration \u00e9ventuelle ?<\/p>\n
\u0152il pour oeil, dent pour dent<\/strong><\/p>\n Par ailleurs, M. Grey n’est pas sans savoir que le Coran est le seul livre sacr\u00e9 \u00e0 ne pas avoir interdit la pratique de la loi du Talion. Est-ce que si nous interdisons le port du voile dans la fonction publique (ce qui n’emp\u00eache pas de trouver du travail ailleurs), nous devrions craindre des repr\u00e9sailles de la part de certains musulmans ? Si oui, l’argument d’accepter le voile pour int\u00e9grer la femme est-il une mani\u00e8re de contenir le d\u00e9sir de ces musulmans de r\u00e9pondre \u00e0 l’interdiction du voile par la prolif\u00e9ration du voile ou autre mani\u00e8re de se faire justice (loi du Talion) ? Si tel est le fond de l’argumentaire, alors on ne d\u00e9fend pas ici la libert\u00e9 individuelle, mais l’id\u00e9e de ne pas attiser le vieux fond de barbarie \u00ab \u0153il pour \u0153il et dent pour dent \u00bb. Non que les jud\u00e9o-chr\u00e9tiens soient d\u00e9pourvus de ce vil instinct bien au contraire, mais de toutes les religions monoth\u00e9istes, le Coran est le seul des livres saints \u00e0 consacrer cette coutume archa\u00efque. Son usage est donc parfaitement assum\u00e9 par les musulmans en tant que culture. Au contraire, le Qu\u00e9b\u00e9cois a enregistr\u00e9 l’id\u00e9e de pr\u00e9senter l’autre joue lorsqu’il est heurt\u00e9 par quelqu’un. Cette in\u00e9galit\u00e9 culturelle dans notre d\u00e9bat social actuel devrait s\u00e9rieusement \u00eatre prise en compte par nos intellectuels.<\/p>\n La culture du m\u00e9pris<\/strong><\/p>\n Nous avions pourtant d\u00e9cid\u00e9 de la\u00efciser notre nation avant l’arriv\u00e9e massive d’immigrants. Ce combat s’est fait par la force collective des femmes – principales opprim\u00e9es devant Dieu – et notre d\u00e9marche a heurt\u00e9 nos hommes. Nous souhaitions que l’homme parvienne \u00e0 ma\u00eetriser ses pulsions par lui-m\u00eame, qu’il devienne responsable de sa violence int\u00e9rieure, qu’il cesse de la d\u00e9verser sur la femme. C’est ce travail culturel que nous avons entrepris avant la venue d’une immigration religieuse visible. C’est cette habitude pass\u00e9iste que nous voulions saborder.<\/p>\n \u00c9crire la charte pour la femme et non contre certains signes<\/strong><\/p>\n Aujourd’hui le PQ nous offre d’achever notre d\u00e9marche. Certains immigrants ou enfants d’immigrants semblent surpris par la r\u00e9action des Qu\u00e9b\u00e9cois, comme s’il \u00e9tait acquis que leur religion allait prendre le dessus sur le vide que nous avons laiss\u00e9. Insister pour imposer la vierge voil\u00e9e au sein de l’\u00c9tat ne changera rien au fait qu’une femme a un sexe, et que nous avons choisi en tant que nation de ne pas camoufler cet attribut naturel. Ainsi, si une femme utilise la charte des droits individuels pour plaider en faveur de son voile dans une fonction publique, elle heurte de front toutes celles qui se sont battues avant elle pour sa libert\u00e9. Il est injustifiable pour les femmes d’ici de subir une nouvelle r\u00e9trogradation du statut, qu’il vienne des f\u00e9ministes ou de femmes et d’hommes qui ont re\u00e7u le privil\u00e8ge d’immigrer (ou dont les parents ont immigr\u00e9) et qui revendiquent un droit qui nous asservirait \u00e0 nouveau.<\/p>\n Non, nous ne voulons pas reculer en nous faisant imposer des symboles religieux significatifs. Nous n’en avons pas contre la femme qui porte son voile ni contre l’homme \u00e0 la kippa sur la rue, mais disons que le retour du religieux par une immigration massive et soudaine nous pousse \u00e0 terminer rapidement la d\u00e9marche de la\u00efcisation de l’\u00c9tat que nous avions entreprise. C’est une invitation sinc\u00e8re \u00e0 un vivre-ensemble sans tension.<\/p>\n Contradiction intellectuelle au service du machisme<\/strong><\/p>\n Les bien-pensants comme Me Grey invoquent la non-discrimination religieuse pour se porter \u00e0 la d\u00e9fense d’une pratique religieuse qui fait ouvertement la promotion de la discrimination envers la femme. Quelle belle contradiction intellectuelle. Ils devraient plut\u00f4t consid\u00e9rer que leur \u00e9lan pour d\u00e9fendre la dite minorit\u00e9 voil\u00e9e se situe dans le contexte d’un combat d’ordre collectif livr\u00e9 \u00e0 fort prix par les femmes qui se sont mises ensemble il y a 50 ans pour mettre un terme \u00e0 la domination m\u00e2le. Lorsqu’on se passionne \u00e0 trouver un argumentaire pour le droit des minorit\u00e9s en tant qu’avocat, au point de r\u00e9duire l’av\u00e8nement d’une lutte collective si importante et \u00e9prouvante \u00e0 un argument logique, ce sont toutes les femmes qui se trouvent affaiblies dans leur d\u00e9sir d’\u00e9mancipation. Et les hommes continuent de marcher au-dessus d’elles sans se remettre en question.<\/p>\n Continuer d’asservir au nom d’une logique<\/strong><\/p>\n Un plaidoyer d’avocat se portant \u00e0 la d\u00e9fense d’une seule femme pour nous imposer son voile dans l’\u00c9tat nous ferait recommencer ce processus ardu ? Des hommes intelligents n’auraient pas compris l’importance pour une nation de mettre les religions sur des voies de services ? Vraiment ? Devrions-nous poursuivre en justice les intellectuels qui briment la soci\u00e9t\u00e9 f\u00e9minine collectivement en offrant un privil\u00e8ge individuel en soi d\u00e9connect\u00e9 de sa r\u00e9alit\u00e9 globale ? Il est dangereux au nom de la raison de d\u00e9fendre un sentiment d’appartenance \u00e0 une religion – en soi collectif parce que g\u00e9n\u00e9rateur d’une culture – en faisant croire \u00e0 un droit individuel pour l’opposer \u00e0 une autre collectivit\u00e9, le peuple d’accueil. Il n’y a rien d’individuel dans une religion et c’est pernicieux de pr\u00e9tendre la d\u00e9fendre au cas par cas.<\/p>\n La primordiale hi\u00e9rarchisation des droits<\/strong><\/p>\n De surcroit, toute religion produit une culture anti-femme qui entretient un pr\u00e9jug\u00e9 convenu et pervers face \u00e0 la femme. Dire qu’une religion est plus importante que l’\u00e9galit\u00e9 de la femme est d\u00e9shonorant pour la race humaine. Il est \u00e9tonnant que des intellectuels se portent \u00e0 la d\u00e9fense d’un tel m\u00e9pris, d’une telle arrogance envers la femme, pr\u00e9cis\u00e9ment en d\u00e9fendant les religions qui exhibent le plus les signes d’asservissement.<\/p>\n Changer le paradigme<\/strong><\/p>\n Il appert aussi que le combat des femmes ne peut s’exercer que collectivement car, sans cette force, il est ardu de d\u00e9fendre leur droit \u00e0 l’\u00e9galit\u00e9 en tant qu’individu face \u00e0 l’homme, les preuves sont souvent trop subtiles. Il s’agit plut\u00f4t d’une culture mondiale de domination \u00e0 d\u00e9construire qui ne passe pas par la preuve mais par un changement de paradigme. Nous aimons \u00e0 croire que ces choix de soci\u00e9t\u00e9s ne sont pas le fait unique de brillants plaidoyers d’avocats s\u00e9duisant la raison de juges, mais d’un r\u00e9el d\u00e9sir de vivre ensemble.<\/p>\n L’intention derri\u00e8re l’argumentaire ?<\/strong><\/p>\n Nous esp\u00e9rons \u00e9galement que Me Grey n’a pas con\u00e7u et personnalis\u00e9 son argumentaire concernant les femmes voil\u00e9es, dans le but d\u00e9tourn\u00e9 de pr\u00e9server le port de la kippa de ses fr\u00e8res. Chaque symbole ostentatoire de quelque religion consacre la sup\u00e9riorit\u00e9 de l’homme sur la femme faisant d’elle une sorte de f\u00e9tiche \u00e0 son service. On ne peut, sous le pr\u00e9texte primaire d’un attachement \u00e0 d’anciennes coutumes, se permettre d’avorter notre d\u00e9marche collective qui vise \u00e0 sortir hommes et femmes de l’ali\u00e9nation sexuelle.<\/p>\n \u00c9mancipons-nous ensemble<\/strong><\/p>\n Dans une action concert\u00e9e et coh\u00e9rente pour notre soci\u00e9t\u00e9, nous esp\u00e9rons que tous ses messieurs choisiront avec nous d’honorer les femmes au Qu\u00e9bec en leur consacrant enfin le statut \u00e9galitaire qu’elles m\u00e9ritent. Nous osons croire que ne sera pas bloqu\u00e9 le progr\u00e8s social de notre nation dont la lutte des femmes pour leur \u00e9galit\u00e9 – qui d\u00e9pend de la s\u00e9paration de l’\u00c9glise et de l’\u00c9tat – est un pivot central. Au contraire, nous nous attendons de tous ces gens intelligents \u00e0 les voir nous accompagner dans les derni\u00e8res \u00e9tapes de notre \u00e9mancipation.<\/p>\n","protected":false},"excerpt":{"rendered":" Me Julius Grey, dont l’influence peut ind\u00e9niablement colorer les valeurs de notre soci\u00e9t\u00e9, consid\u00e8re gagnant de pr\u00e9f\u00e9rer une femme voil\u00e9e sous le pr\u00e9texte qu’il vaut […]<\/p>\n","protected":false},"author":2,"featured_media":834,"comment_status":"closed","ping_status":"open","sticky":false,"template":"","format":"standard","meta":{"footnotes":""},"categories":[367,434,448,459,208,216,157,164,438,249,165,183,329,440,2,151,215,169],"tags":[528,527,351,337,533,526,393,510,529,531,530,360,525,287,534,535,532],"yoast_head":"\n