Par Sylvie Bergeron,professeure de psychologie évolutionnaire

Parmi les 3 modèles d’humains que j’ai décrits ici, seul le transhumain pourra créer la croissance sans fin qu’offre l’internet des objets. Cet eldorado aura notre peau.

Dans cet article, je joins la perspective de Reon Brand, un directeur senior dans les stratégies du futur. Il s’est penché sur la question des nouveaux paradigmes qui déterminent notre manière de prévoir notre avenir.  Il identifie 6 grandes étapes d’extinction dont la 6e est la seule causée par les activités de l’Homme. Il établit deux dynamiques de changement à surveiller : le « forecast » mène à une transformation et le « foresight » à une transmutation.

«Nous ne devrions plus penser le monde dans une perspective socio-économique » dit-il, « mais d’un point de vue existentiel et écologique »

Parler des 3 modèles d’humains peut sembler encore plus futuriste que d’imaginer cette cohabitation :

Brand croit que nous devons intégrer les notions numériques émergentes d’éther, d’immortalité, à ceux d’habitat et de Terre. Il croit que, dans le futur, l’état d’esprit issu des technologies doit cohabiter avec l’être humain dans son milieu naturel.

Selon lui deux paradigmes devraient nous guider :  la transformation et la transmutation. Brand établit que le forecast débouche sur une transformation et que le foresight crée une transmutation. Brièvement disons que la transformation favorise un changement de caractère et la transmutation, un changement de substance.

Mais de quel caractère et de quelle substance parle-t-on ?

Brand voit le futur par le prisme de l’humain qui se place au-dessus de la nature. Mais nous sommes limités en conscience. C’est bien pour cela que nous sommes responsables de la 6e extinction.

Et rien ne nous arrêtera. En effet, la volonté de puissance actuelle des leaders de l’économie numérique est propulsés par l’augmentation sans fin d’une consommation effrénée. Aucune de limites avec l’internet des objets.

Mais pour Brand, il faut se poser ces questions : comment reconnecter l’être à la nature ? Comment développer des produits en respect de la nature ? Comment régénérer la santé de l’écosystème ? Comment transformer la relation consommation/croissance économique sans fin ?

Selon lui, l’existence et l’écologie devraient équilibrer nos ardeurs dans la poursuite d’une croissance économique numérique infinie.

Sans vouloir contredire Brand, j’aimerais introduire la réalité des 3 modèles d’humains. Et poser cette question :  par quel mécanisme pourrions-nous transmuter, changer la substance de ce que nous avons créé, si l’objectif est de changer l’Homme lui-même ?

Devenir transhumain au nom du changement

C’est bien connu, Hubris pousse les leaders dans la démesure. À un point où ils croient que l’intelligence artificielle répondra à tous nos problèmes. La version fantasmée de l’Homme n’est plus naturelle, mais robotisée.

Cette « amélioration » de  l’Homme ne fera que transformer son caractère, de l’humain naturel à l’état virtuel, de l’organique à l’électro-métallique.

La transformation vers le modèle transhumain répond nécessairement à la croissance économique sans fin du consommateur/produit, gavé par l’eldorado de l’internet des objets. Ce transhumain décuplera sa dépendance au mode numérique et à l’eugénisme.

La recherche de volonté de puissance, obsession du philosophe allemand Nietzsche (j’en parle également ici), demeure le moteur de notre dépassement, en tant que mortel. C’est pourquoi il semble naturel que l’humain ne voudra pas, tel quel le suggère Brand, unir l’existentiel et l’écologique à l’éthernet et l’immortalité technologique.

En effet, lorsque l’internet des objets facilitera la vie des populations, à un point de déconnection morbide d’avec sa nature intérieure, peu de gens accepteront de transmuter. Peu voudront changer la substance de leur être pour évoluer vers un autre paradigme, vers les profondeurs du suprahumain.

Devenir suprahumain au nom de la dignité de l’être

Mon champ d’expertise en psychologie évolutionnaire aborde l’humain d’après un paradigme interne que peu de personnes reconnaissent, pour l’instant : le flux d’énergies mentales en tant qu’essence de notre être.

C’est la reconnaissance de nos substances internes qui favorise la transmutation de tout ce qui les pollue.

Chaque humain a la capacité d’apprendre à transmuter la substance toxique qui contamine son flux d’énergie intérieur. Cette transmutation permet de changer de paradigme, de sortir de l’opacité, de l’anxiété, de la quête sans fin de l’opulence.

Cette transmutation invite chaque être à regarder ses démons, à mettre fin à toute forme d’oppression ou de harcèlement psychique pour briser les substances les plus poisons d’entre toutes : le doute, la peur et la culpabilité.

À ce jour, notre étroite conscience, en tant que mortel d’origine animale, a dirigé nos organisations avec un simple filet de lumière. C’est pourquoi nos inventions engendrent des désordres sur le vivant.

Elles sont mécaniques, à savoir qu’elles copient le vivant sans jamais l’égaler, tout en le détruisant. Elles nous menacent plutôt que de nous vivifier. D’où l’assertion de Brand selon laquelle la 6e extinction sera provoquée par l’Homme lui-même.

La valeur ajoutée du foresight, transhumaine ou suprahumaine ?

Chacun des 3 modèles d’humains se définira d’après ce à quoi il connectera ses neurones.

C’est pourquoi nous pouvons établir que le foresight dont traite Brand ne repose pas sur les réels potentiels de l’être humain. Parce que peu de personnes les ont développés.

Et pour trouver sa valeur réelle, l’être connecte ses neurones à ses énergies mentales.

Cette réalité le positionne, non pas au-dessus de la nature, mais bien dans la transmutation même de sa nature propre. Ainsi il peut transmuter sa nature terrienne. Pour transmuter l’humain naturel, l’être se connecte à son flux d’énergies mentales et non plus seulement qu’à la Mère-terre. Voilà la réelle valeur ajoutée de l’être.

Par conséquent, sans le déploiement de nos potentiels mentaux, la co-existence des machines électroniques et de l’humain naturel mettra en péril le flux d’énergie du vivant.

Contrôler notre environnement hostile a de tout temps été notre plus grand défi puisqu’il nous met en face de notre petitesse et de notre statut éphémère.

Pourquoi vouloir tout contrôler ?

Prédire un modèle dans lequel l’Homme peut tout contrôler sans effort – fut le projet de Norbert Wiener, survivant de l’holocauste et père de la cybernétique. Wiener, porté par les immenses ressources de la défense militaire, a propulsé le plus grandiose projet de forecast du monde !

La cybernétique, née dans les années 50, a pris d’assaut nos universités, en particulier les département de sciences humaines. Elle en a transformé le caractère, de la pensée humaniste universelle à la pensée algorithmique de la prévisibilité.

Et du coup, ce modèle de prédiction efficace a fait basculer tout potentiel, dans l’Homme. Il a du mal à transmuter sa substance, réduisant cette puissante faculté à une simple transformation de caractère. Nous vivons à la surface de l’être depuis déjà trop longtemps. De ce fait, le paradigme rêvé par Brand ne surviendra pas, même à petite échelle.

Pour la première fois, l’Homme a été déconnecté de la nature parce qu’on a voulu en faire un objet prévisible. De là à en faire un Code à barre puis un Code QR traçable, il n’y a eu qu’un grand pas de 70 ans.

Jacques Attali en a été fasciné. Et, depuis des décennies, il nous avise de l’avènement imminent de cet Homme-Produit-Traçable soumis à la dictature médicale.

Nous y sommes !

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Voici tous les textes de cette série :

1/4 –  https://laguaya.ca/2021/04/26/quelle-est-la-superiorite-de-l-humain-sur-lintelligence-artificielle/

2/4 – https://laguaya.ca/2021/05/03/a-quel-modele-dhumain-vous-identifiez-vous/

3/4 – https://laguaya.ca/2021/05/10/parmi-les-3-modeles-d-humain-lequel-survivra/

4/4 – https://laguaya.ca/2021/05/17/pourquoi-le-suprahumain-survivra-au-transhumain/